Bonjour à toutes et tous,
Petit cadeau : durant les prochaines semaines, chaque dimanche, je vous ferai découvrir les premières pages des six longues nouvelles fantastiques qui composent mon recueil De cendres et d’écarlate paru en août dernier aux Éditions Unicité : http://www.editions-unicite.fr/…/de-cendres-et-d-…/index.php
Aujourd’hui, je vous propose le début de L’âtre, la nouvelle qui ouvre le recueil, et que j’ai voulu comme un (modeste) hommage à l’un de mes nouvellistes préférés : Théophile Gautier :
L’âtre
Il y a un an de cela, mon père s’enticha d’une vieille maison abandonnée dont il ne dut la découverte qu’au hasard d’une promenade sur la lande écossaise. Nichée entre un diadème de collines verdoyantes, avec ses grosses pierres, ses corniches et ses frises, la demeure victorienne le séduisit immédiatement. Si bien que peu lui importait qu’elle ait grand besoin de réparations ou qu’on la dise hantée. Quoique ce dernier point nous laissât plus que sceptiques.
L’agence immobilière, pressée de se défausser d’un encombrant dossier, ne fit aucune difficulté pour lui faire visiter. Plus que jamais conquis par l’élégant salon aux riches tentures, les immenses escaliers ornementaux, les cheminées en marbre, les tapis à ramages, les meubles d’époque et le solarium, mon père prit les dispositions nécessaires, et nous déménageâmes quelques semaines plus tard.
Mauvais présage ou non, lorsque nous arrivâmes ce jour-là, accompagnés de quelques biens, l’écriteau À vendre était toujours accroché sur la fenêtre encrassée de la façade.
À l’intérieur, une épaisse couche de poussière couvrait les meubles, de nombreuses toiles d’araignées festonnaient les plafonds, et des auréoles d’humidité fleurissaient sur les planchers. Par ailleurs, les tapis devaient être secoués, les rampes des escaliers consolidées et les serrures généreusement huilées.
En résumé : des vitres graisseuses du rez-de-chaussée jus-qu’aux miroirs piquetés de moisissure des salles de bain, tout exigeait un sérieux récurage.
Des jours durant, ma pauvre mère s’épuisa à la tâche, lavant, briquant, astiquant, avant que la maison puisse être considérée comme « habitable ».
Alors, une délicieuse routine s’installa, qui nous fit tôt oublier les désagréments des débuts pour nous consacrer pleinement à notre nouvelle existence bucolique, dont les mille et un petits plaisirs réjouissaient les citadins repentis que nous étions alors : longues promenades à pied, folles chevauchées sur la lande, pique-niques sur les falaises, et baignades revigorantes dans le loch.
Le soir de ce que je nomme désormais pudiquement l’« événement », après que nous eûmes aidé notre mère à faire la vaisselle, comme à l’accoutumée, nous nous retirâmes de bonne heure, chacun ayant à s’occuper dans sa chambre. Qui, une lettre à écrire, qui un livre à achever, ou bien encore une paire de bas à repriser.
Quant à moi, mes irrépressibles bâillements n’en faisaient point mystère, je montai dans l’intention de m’endormir sitôt la tête posée sur l’oreiller. Il paraissait que le bon air de la campagne possédait sur moi un surprenant effet lénifiant. Pour être plus précis : il m’assommait littéralement.
Hélas, je l’apprenais à mes dépens, la quantité n’était point toujours synonyme de qualité et j’endurais, depuis notre arrivée en ces lieux, un sommeil agité, entrecoupé de réveils fréquents, dont j’émergeais, à la fois fébrile et nauséeux. […]